Comment en choisir 150 ?

La métropole de Lyon compte 1 420 000 habitants et 150 conseillers métropolitains sont censés les représenter pour décider de l’usage des 3,9 milliards d’euros de son budget. Mais quelle technique démocratique retenir pour choisir ces 150 élus ; là est la question !

Le système électoral actuellement en cours prévoit des élections de listes à la proportionnelle avec une prime majoritaire de 50% dans 14 circonscriptions de taille presque équivalentes.

Les critiques à l’encontre de ce système sont nombreuses. Outre le fait qu’il ne permet pas de faire émerger de véritables débats politiques métropolitains, la combinaison d’une élection de liste sur plusieurs circonscriptions rend possible la constitution d’une majorité de conseillers  métropolitains élus avec une minorité de voix, ce qui est pour le moins problématique d’un point de vue démocratique ! 

D’autres modalités de désignation seraient possibles, chacune présente des avantages et des défauts.

Une élection de liste sur une seule circonscription avec une prime majoritaire à 50% à deux tours

  • Avantage : une campagne sur des projets métropolitains, plus de risque de majorité de sièges désignée par une minorité de voix, un seul compte de campagne
  • Inconvénient : La constitution de liste donne aux partis une place importante et certains territoires risquent de ne pas être représentés par des candidats y habitant ; la prime majoritaire de 50% garantit une majorité écrasante à la liste arrivée en tête et réduit l’opposition à un simple rôle d’observateur pendant 6 ans…

Une élection de liste sur une seule circonscription avec une prime majoritaire à 50% à un seul tour

mêmes avantages et inconvénients que pour la solution précédente

  • Avantage : un seul tour permet de déconnecter le scrutin métropolitain du scrutin municipal sans risquer une fatigue électorale.
  • Inconvénient : The winner take all, même s’il n’a que quelques voix d’avance 

Une élection de liste sur une seule circonscription avec une prime majoritaire ramenée à 30 % à deux tours

  • Avantage :  une campagne sur des projets métropolitains, plus de risque de majorité de sièges désignée par une minorité de voix, la majorité absolue n’est pas garantie à la liste arrivée en tête, des compromis sont nécessaires durant le mandat.
  • Inconvénient : risque de blocage si les compromis entre groupes ne sont pas possibles, accord entre listes entre les deux tours qui donnent lieu à des marchandages parfois peu avouables.

Une élection de liste sur une seule circonscription avec une prime majoritaire ramenée à 30 % à un seul tour

  • Avantage :  une campagne sur des projets métropolitains, plus de risque de majorité de sièges désignée par une minorité de voix, la majorité absolue n’est pas garantie à la liste arrivée en tête, des compromis sont nécessaires, sans possibilité de fusion, obligation de listes composites dès le premier tour, avantage aux gros partis.
  • Inconvénient : The winner don’t take all… mais la majorité absolue n’est pas garantie, risque de blocage si les compromis entre groupes ne sont pas possibles. sans possibilité de fusion, obligation de listes composites dès le premier tour, avantage aux gros partis.

150 élections uninominales à deux tours !

  • Avantage : un lien entre candidat et territoire, forte légitimité de l’élu au second tour qui rassemble plus de 50% des votants.
  • Inconvénient : difficulté pour découper le territoire en 150 circonscriptions, la parité des élus n’est pas garantie, difficulté d’établir si toutes les circonscriptions dépassent les 9000 habitants et justifient de l’obligation d’un compte de campagne

150 élections uninominales à un tour

  • Avantage : un seul tour permet de déconnecter le scrutin métropolitain du scrutin municipal sans risquer une fatigue électorale.
  • Inconvénient : difficulté pour découper le territoire en 150 circonscriptions, la parité des élus n’est pas garantie, difficulté d’établir si toutes les circonscriptions dépassent les 9000 habitants et justifient de l’obligation d’un compte de campagne, faible légitimité des élus arrivés en tête de quelques voix.

75 élections bi-nominales paritaires à deux tours

  • Avantage : un lien entre candidat et territoire, forte légitimité de l’élu au second tour qui rassemble plus de 50% des votants, parité des élus du conseil de la métropole garantie
  • Inconvénient : difficulté pour découper le territoire en 75 circonscriptions, 75 comptes de campagne…

75 élections bi-nominales paritaires à un tour

  • Avantage : un lien entre les binômes de candidat et le territoire, parité des élus du conseil de la métropole garantie
  • Inconvénient : difficulté pour découper le territoire en 75 circonscriptions, faible légitimité des binômes d’élus arrivés en tête de quelques voix, 75 comptes de campagne…

Mission sénatoriale : audace et anachronismes…

lors de la conférence de presse de présentation du rapport

On n’attendait pas grand-chose de la mission d’information sur les métropoles conduite par le Sénateur François-Noël Buffet.

Et pourtant…

La lecture de ses recommandations témoigne bien sûr de la prégnance des analyses municipalistes : Il faut renforcer les conférences territoriales des maires, renforcer la conférence métropolitaine des maires, mieux associer les maires à l’élaboration du pacte métropolitain…

Tout cela ne mange pas de pain !

Mais en même temps, ces sénateurs ont osé affirmer qu’on ne reviendrait pas sur la métropole lyonnaise, cette nouvelle collectivité enfin démocratique.

Ils ont osé proposer la modification du régime électoral métropolitain en suggérant la circonscription unique, la réduction de la prime majoritaire à 25% et la dissociation du calendrier des élections municipales. (ce qui n’est pas sans rappeler les propositions d’une certaine non-candidature aux élections sénatoriales 😉

Une étonnante audace qui ne suffit pourtant pas à faire oublier les deux anachronismes de ce rapport.

Alors que ces sénateurs reconnaissaient la pérennité de cette collectivité si particulière, ils ont tenu la raccrocher à des modèles des siècles précédents.

Selon eux, les élections métropolitaines devraient se tenir en même temps que les élections dans les départements – une collectivité créée en 1790 !

De même, les communes devraient pouvoir “sortir” de la métropole comme elles le peuvent des inter-communalités – dont les premières formes remontent à 1880 !

Il reste quelques progrès à faire pour rentrer dans la modernité…


Lire l’essentiel du rapport ici

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L’Europe s’arrête rue du lac

Depuis une loi de 1998 transcrivant en droit français la directive européenne de 1994, un citoyen de l’Union européenne qui réside en France peut participer aux “élections municipales” dans les mêmes conditions qu’un électeur français.

Prudente, la directive soulignait que la notion “d’élections municipales” n’étant pas la même dans tous les États membres ; Il convenait donc de la définir comme «des élections au suffrage universel et direct au niveau des collectivités locales de base et de leur subdivision».

La même directive précisait qu’une « collectivités locales de base » était une « entité administrative compétente pour administrer, au niveau de base de l’organisation politique et administratif, sous sa propre responsabilité, certaines affaires locales ». 

Chacun l’admettra, le Grand Lyon est bien une collectivité locale qui administre, sous sa responsabilité, certaines affaires locales.

Mais curieusement, les citoyens européens résidant sur son territoire n’ont pas pu voter pour ses conseillers métropolitains en 2020… 

Il faut dire que la directive de 1994 n’avait pas prévu la création de la métropole de Lyon en 2015 et n’a pas pu l’intégrer à son annexe qui liste de manière explicite et exclusive ces fameuses « collectivités locales de base ».

Faut-il ajouter à celles-ci la métropole de Lyon ? Interrogé sur cette question, le gouvernement répondu que la métropole de Lyon n’entrait nullement dans le cadre des «collectivités de base» car “celle-ci s’est substituée sur son emprise territoriale à la fois au département du Rhône et à la Communauté urbaine de Lyon”. Le département n’étant pas une «collectivité de base», les européens qui y résident n’ont donc pas le droit de vote.

Certes, mais la métropole n’est pas qu’un département. Cette nouvelle collectivité a conservé toutes les compétences communales transmises par la loi à la communauté urbaine. 

Oui mais, balaie le gouvernement, comme les communes continuent d’exister sur le territoire de la métropole et que celles ci qui gardent la qualité de «collectivités locales de base», il n’y a pas lieu d’envisager d’intégrer dans la directive de 1994 la métropole de Lyon en tant que nouvelle collectivité.

Pourtant, d’autres pays de l’Union se sont montrés moins dogmatiques sur la définition des «collectivités locales de base». 

En Allemagne, les citoyens européens votent dans les Communes, mais aussi dans les arrondissements de la Ville libre et hanséatique de Hambourg, dans  le Land de Berlin, dans la Municipalité de Brême et dans la ville hanséatique libre de Brême. Au Danemark, les citoyens européens votent dans les municipalités de comté, dans la municipalité de Copenhague, dans celle de Frederiksberg… et la liste des collectivités locales de base – mais spécifiques – dans chaque état de l’union est longue.

En 2021, à côté des 46,2 millions d’électeurs français, on dénombrait 327 000 électeurs européens inscrits sur les listes électorales. Rapporté aux 808 741 électeurs que compte la métropole de Lyon, on peut estimer à 5 661 le nombre de citoyens européens qui pourraient voter aux prochaines élections métropolitaines de 2026.

Pourquoi priver ces citoyens européens de la possibilité de choisir ceux qui décide de la majeure partie des services publics dont ils bénéficient au quotidien ?

Les élus de la métropole de Lyon seraient bien avisés, à l’occasion d’un voeu au conseil,  de solliciter à nouveau le gouvernement pour qu’il revoit sa position.